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LA RECETTE DU BON COURT METRAGE du 5 juin 2015
(Un professeur monte en chaire – brouhaha qui s'éteint.)
- Le professeur : Comment concevoir un bon court métrage ? Il y a d'abord des pièges à éviter. Ces pièges, ce sont des objets, souvent créés par notre société hyper-technicisée, et dont semblent raffoler bon nombre de scénaristes et de réalisateurs. Quels sont ces objets ? Je vais vous en citer trois ... pour commencer. Premier exemple : le révolver. Le révolver est le prolongement armé de notre bras ; il symbolise la force impitoyable ... force impitoyable de tous les réalisateurs qui voudraient s'identifier à des héros, à leurs héros. Le révolver est la forme modernisée de l'épée, qui est elle-même la forme modernisée du bâton, qui est lui-même une amélioration du poing fermé. Second exemple : le réveille-matin. Un court-métrage sur deux commence par un gros plan sur un réveil. Ce dernier symbolise le temps qui démarre, qui s'impose à nous, qui détruit le rêve. Il est surtout le signal d'un début ... celui du court-métrage, comme celui de la journée du malheureux acteur. Le réveille-matin, c'est la sonnerie du clairon, c'est la main de l'esclave, gardien du sablier. C'est le grognement de l'ours qui, le matin, veut vous chasser de la grotte dont vous l'avez vous-même chassé la veille au soir. Le réalisateur qui recourt au réveille-matin entend réveiller les spectateurs endormis par le court-métrage précédant. Troisième exemple : le téléphone portable ! Ah ! Le téléphone portable ! Il réalise le rêve méphistophélique de l'ubiquité. Où que vous soyez, vous pouvez être partout dans le monde pour entrer presque immédiatement en contact avec les répondeurs de vos interlocuteurs. Le portable succède au vieux téléphone en bakélite, qui succède lui-même au messager du théâtre classique, voire du théâtre antique. Le portable permet au scénariste d'interrompre une conversation oiseuse, de stopper un conflit qui était sur le point d'exploser ou de faire intervenir un nouveau personnage qu'on n'aura pas besoin de payer. Nous allons donc procéder au sacrifice de ces artifices. Le portable, d'abord ! (à part) je peux pas blairer les portables ! (coup sur un portable avec la crosse du révolver). Ensuite, le réveil ! Ô temps suspend ton vol ! (coup sur un réveil avec la crosse du révolver). Quant au révolver ... (il hésite) je ne sais pas trop avec quoi taper dessus ... (il se ravise) après tout, ça peut toujours servir. (3').
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LA RECETTE DU BON COURT METRAGE du 5 juin 2015
(Un professeur monte en chaire – brouhaha qui s'éteint.)
- Le professeur : Comment concevoir un bon court métrage ? Il y a d'abord des pièges à éviter. Ces pièges, ce sont des objets, souvent créés par notre société hyper-technicisée, et dont semblent raffoler bon nombre de scénaristes et de réalisateurs. Quels sont ces objets ? Je vais vous en citer trois ... pour commencer. Premier exemple : le révolver. Le révolver est le prolongement armé de notre bras ; il symbolise la force impitoyable ... force impitoyable de tous les réalisateurs qui voudraient s'identifier à des héros, à leurs héros. Le révolver est la forme modernisée de l'épée, qui est elle-même la forme modernisée du bâton, qui est lui-même une amélioration du poing fermé. Second exemple : le réveille-matin. Un court-métrage sur deux commence par un gros plan sur un réveil. Ce dernier symbolise le temps qui démarre, qui s'impose à nous, qui détruit le rêve. Il est surtout le signal d'un début ... celui du court-métrage, comme celui de la journée du malheureux acteur. Le réveille-matin, c'est la sonnerie du clairon, c'est la main de l'esclave, gardien du sablier. C'est le grognement de l'ours qui, le matin, veut vous chasser de la grotte dont vous l'avez vous-même chassé la veille au soir. Le réalisateur qui recourt au réveille-matin entend réveiller les spectateurs endormis par le court-métrage précédant. Troisième exemple : le téléphone portable ! Ah ! Le téléphone portable ! Il réalise le rêve méphistophélique de l'ubiquité. Où que vous soyez, vous pouvez être partout dans le monde pour entrer presque immédiatement en contact avec les répondeurs de vos interlocuteurs. Le portable succède au vieux téléphone en bakélite, qui succède lui-même au messager du théâtre classique, voire du théâtre antique. Le portable permet au scénariste d'interrompre une conversation oiseuse, de stopper un conflit qui était sur le point d'exploser ou de faire intervenir un nouveau personnage qu'on n'aura pas besoin de payer. Nous allons donc procéder au sacrifice de ces artifices. Le portable, d'abord ! (à part) je peux pas blairer les portables ! (coup sur un portable avec la crosse du révolver). Ensuite, le réveil ! Ô temps suspend ton vol ! (coup sur un réveil avec la crosse du révolver). Quant au révolver ... (il hésite) je ne sais pas trop avec quoi taper dessus ... (il se ravise) après tout, ça peut toujours servir. (3').
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